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Histoire d'Hypatie

 

Histoire d’Hypatie

 

Fille de Théon d’Alexandrie, dernier représentant connu du fameux Musée, Hypatie naquit aux environs de 360 après Jésus-Christ. Elle bénéficia de l’enseignement de son père, poursuivit sa formation à Athènes où elle approfondit sans doute la philosophie, puis revint s’installer à Alexandrie ; elle y tint des conférences publiques, et peut-être même une chaire. On s’accorde à attribuer à Hypatie la rédaction de commentaires sur des œuvres de grands mathématiciens, comme Diophante, ou Apollonios de Pergé. Elle aurait également participé à l’édition des Canons astronomiques de Ptolémée. Son enseignement, d’obédience néo-platonicienne, mêlait sciences naturelles, mathématiques et philosophie.

 

Notre documentation sur Hypatie est cependant très réduite, faite de bribes, ou basée sur des écrits bien postérieurs à l’époque de son activité. Les éléments les plus fiables proviennent de sa correspondance avec Synésios, un de ses disciples, qui deviendra évêque de Ptolémaïs. En voici un extrait éloquent :

 

« Les dieux se meurent, Synésios. Je n'ai que toi à qui le dire. Eux-mêmes n'entendent plus. Nos dieux, nos dieux faits de poèmes et de lumière, les aurais-tu oubliés ? S'ils viennent à disparaître, alors nous disparaîtrons avec eux, et la grande Grèce éternelle ne sera bientôt faite que de ces sentiments simples que provoquent chez les barbares ses victoires et ses défaites. Ah! l'indicible détresse des choses qui s'achèvent! Synésios, pitié pour les dieux! Implore le tien, s'il le faut, afin qu'ils vivent encore un peu. Sans eux la vie de l'univers ne sera plus qu'une tache noire ajoutée à un peu d’obscurité. »

 

La vertu d’Hypatie, son maintien, sa tempérance, mais aussi sa beauté exceptionnelle, et sa farouche résistance à toute séduction, décidée qu’elle était à rester vierge et indépendante, étaient loués et admirés de tous. C’était une personnalité très en vue à Alexandrie, fréquentant notamment Oreste, préfet augustal, représentant du pouvoir impérial.

 

Socrate le Scholastique  rapporte dans son Histoire ecclésiastique qu’un jour de mars 415, Hypatie fut agressée devant sa porte par une horde de moines fanatisés, sous la conduite d’un certain Pierre, lecteur de l’église d’Alexandrie. Ceux-ci la traînèrent dans une église où ils l’écorchèrent vive avec des tessons, la démembrèrent, et brûlèrent son corps sur une colline proche. Cette fin atroce va garantir l’immortalité à Hypatie, et la faire échapper à l’oubli qu’ont connu d’autres femmes de cette époque, peut-être aussi brillantes.

 

Est-ce son enseignement païen, et ses attaches à la tradition culturelle de l’hellénisme qui lui valut la haine des moines ? C’est en tout cas ainsi que ce meurtre sera interprété par beaucoup, et en premier lieu par l’anticlérical Voltaire. La société alexandrine d’alors oscillait entre la tradition culturelle hellénique et une foi nouvelle, conquérante et souvent fanatique. Hypatie est une figure de cet « entre-deux » culturel et religieux. Elle est comme une charnière entre ces deux mondes : les élèves d’Hypatie suivaient ses cours de philosophie néo-platonicienne, sans pour autant être des réactionnaires farouchement opposés au christianisme…

 

Mais à Alexandrie, dès 412, la situation s'était tendue : un nouveau patriarche, Cyrille, vient de remplacer le défunt Théophile. Ce Cyrille est connu pour son intransigeance et son fanatisme. Au fil des mois, les relations ne tardent pas à s’envenimer entre le nouveau chef de l’Eglise et Oreste, préfet représentant de l’Empereur. Plusieurs incidents rendent la situation explosive… Cyrille et Oreste s’affrontent indirectement, notamment par le biais de la communauté juive d’Alexandrie : alliés d’Oreste, les Juifs sont persécutés et forcés à l’exil par Cyrille.

 

C’est à ce moment, et dans ce climat, qu’Hypatie sera soupçonnée d’influencer Oreste, et prise pour cible par les moines fanatisés, puis sauvagement assassinée. Le parti de Cyrille devait redouter que l’aura intellectuelle et morale d’Hypatie, du fait des excellentes relations qu’elle entretenait avec Oreste, ne finisse par faire pencher l’empereur du côté du préfet, même s’il semble aujourd’hui difficile de prouver l’intervention directe de Cyrille dans cette affaire.

 

  

Extrait de l’’Histoire ecclésiastique de l'historien chrétien Socrate le scolastique (vers 440) :

 

« Il y avait dans Alexandrie une femme nommée Hypatie, fille du Philosophe Théon, qui avait fait un si grand progrès dans les sciences qu'elle surpassait tous les Philosophes de son temps, et enseignait, dans l'école de Platon et de Plotin,  un nombre presque infini de personnes, qui accouraient en foule pour l'écouter. La réputation que sa capacité lui avait acquise lui donnait la liberté de paraître souvent devant les Juges, ce qu'elle faisait toujours, sans perdre la pudeur, ni la modestie, qui lui attiraient le respect de tout le monde. Sa vertu, tout élevée qu'elle était, ne se trouva pas au-dessus de l'envie. Mais parce qu'elle avait amitié particulière avec Oreste, elle fut accusée d'empêcher qu'il ne se réconciliât avec Cyrille. Quelques personnes transportées d'un zèle trop ardent, qui avaient pour chef un Lecteur nommé Pierre, l'attendirent un jour dans les rues, et l'ayant tirée de sa chaise, la menèrent à l’église nommée Césaréon, la dépouillèrent, et la tuèrent à coups de pots cassés. Après cela ils hachèrent son corps en pièces, et les brûlèrent dans un lieu appelé Cinaron. Une exécution aussi inhumaine que celle-là couvrit d'infamie non seulement Cyrille, mais toute l'Église d'Alexandrie, étant certain qu'il n'y a rien si éloigné de l'esprit du Christianisme que le meurtre et les combats. Cela arriva au mois de mars durant le carême, en la quatrième année du Pontificat de Cyrille, sous le dixième Consulat d'Honorius, et le sixième de Théodose. »

 

 

 

 


 

 

 

Hypatie en poésie

Leconte de l’Isle

Hypatie

Poèmes antiques

 

 

 

Au déclin des grandeurs qui dominent la terre,

Quand les cultes divins, sous les siècles ployés,

Reprenant de l’oubli le sentier solitaire,

Regardent s’écrouler leurs autels foudroyés ;

 

Quand du chêne d’Hellas la feuille vagabonde

Des parvis désertés efface le chemin,

Et qu’au-delà des mers, où l’ombre épaisse abonde,

Vers un jeune soleil flotte l’esprit humain ;

 

Toujours des Dieux vaincus embrassant la fortune,

Un grand cœur les défend du sort injurieux :

L’aube des jours nouveaux le blesse et l’importune,

Il suit à l’horizon l’astre de ses aïeux.

 

Pour un destin meilleur qu’un autre siècle naisse

Et d’un monde épuisé s’éloigne sans remords :

Fidèle au songe heureux où fleurit sa jeunesse,

Il entend tressaillir la poussière des morts.

 

Les Sages, les héros se lèvent pleins de vie !

Les poètes en chœur murmurent leurs beaux noms ;

Et l’Olympe idéal, qu’un chant sacré convie

Sur l’ivoire s’assied dans les blancs Parthénons.

 

 Ô vierge, qui, d’un pan de ta robe pieuse,

Couvris la tombe auguste où s’endormaient tes Dieux,

De leur culte éclipsé prêtresse harmonieuse,

Chaste et dernier rayon détaché de leurs cieux !

 

Je t’aime et te salue, ô vierge magnanime !

Quand l’orage ébranla le monde paternel,

Tu suivis dans l’exil cet Œdipe sublime.

Et tu l’enveloppas d’un amour éternel.

 

Debout, dans ta pâleur, sous les sacrés portiques

Que des peuples ingrats abandonnait l’essaim,

Pythonisse enchaînée aux trépieds prophétiques,

Les Immortels trahis palpitaient dans ton sein.

 

Tu les voyais passer dans la nue enflammée !

De science et d’amour ils t’abreuvaient encor ;

Et la terre écoutait, de ton rêve charmée,

Chanter l’abeille attique entre tes lèvres d’or.

 

Comme un jeune lotos croissant sous l’œil des sages,

Fleur de leur éloquence et de leur équité,

Tu faisais, sur la nuit moins sombre des vieux âges,

Resplendir ton génie à travers ta beauté !

 

Le grave enseignement des vertus éternelles

S’épanchait de ta lèvre au fond des cœurs charmés ;

Et les Galiléens qui te rêvaient des ailes

Oubliaient leur Dieu mort pour tes Dieux bien aimés.

 

Mais le siècle emportait ces âmes insoumises

Qu’un lien trop fragile enchaînait à tes pas ;

Et tu les voyais fuir vers les terres promises ;

Mais toi, qui savais tout, tu ne les suivis pas !

 

Que t’importait, ô vierge, un semblable délire ?

Ne possédais-tu pas cet idéal cherché ?

Va ! dans ces cœurs troublés tes regards savaient lire,

Et les Dieux bienveillants ne t’avaient rien caché.

 

Ô sage enfant, si pure entre tes sœurs mortelles !

Ô noble front, sans tache entre les fronts sacrés !

Quelle âme avait chanté sur des lèvres plus belles,

Et brûlé plus limpide en des yeux inspirés ?

 

Sans effleurer jamais ta robe immaculée,

Les souillures du siècle ont respecté tes mains :

Tu marchais, l’œil tourné vers la Vie étoilée,

Ignorante des maux et des crimes humains.

 

Le vil Galiléen t’a frappée et maudite,

Mais tu tombas plus grande ! Et maintenant, hélas !

Le souffle de Platon et le corps d’Aphrodite

Sont partis à jamais pour les beaux cieux d’Hellas !

 

Dors, ô blanche victime, en notre âme profonde,

Dans ton linceul de vierge et ceinte de lotos ;

Dors ! l’impure laideur est la reine du monde,

Et nous avons perdu le chemin de Paros.

 

Les Dieux sont en poussière et la terre est muette :

Rien ne parlera plus dans ton ciel déserté.

Dors ! mais, vivante en lui, chante au cœur du poète

L’hymne mélodieux de la sainte Beauté !

 

Elle seule survit, immuable, éternelle.

La mort peut disperser les univers tremblants,

Mais la Beauté flamboie, et tout renaît en elle,

Et les mondes encor roulent sous ses pieds blancs !

 

 

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19/11/2017
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